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À première vue, c’est une belle idée. Au lieu de jeter leurs invendus, les entreprises textiles doivent désormais les donner. Entrée en vigueur en 2020, cette mesure phare de la loi anti-gaspillage interdit la destruction des produits non alimentaires neufs, comme les vêtements.
Mieux encore, ces dons aux associations ouvrent droit à une déduction fiscale. Tout semble parfait sur le papier, mais en réalité, pas vraiment…
Générosité fiscale… ou fiscalité déguisée ?
C’est le média Disclosure qui lève le voile sur les coulisses d’un système qui permet surtout aux grandes marques de gagner de l’argent grâce aux dons. Comment ? En bénéficiant de la déduction fiscale accordée en échange.
Ce tour de passe-passe concerne des enseignes bien connues comme Shein, Kiabi ou encore Decathlon. L’enquête, menée par la journaliste Floriane Louison, montre comment ces géants se servent d’un mécanisme prévu pour aider mais qui finit par enrichir les plus puissants.
Un exemple qui en dit long
Dans le Var, une recyclerie reçoit un jour une offre alléchante : 20m³ de vêtements neufs tout droit vénus de Chine. Sa valeur est estimée à 53 163,63 €. Et le tout offert gracieusement à condition de fournir un reçu fiscal.
Ce document permettra à Shein de déduire 60 % du montant de ses impôts, soit environ 31 900 € . Et ce n’est pas tout : la valeur du don est fixée par la marque elle-même.
Des intermédiaires bien rodés
Derrière ce système, on retrouve des courtiers spécialisés, comme Dealinka, Done ou Comerso qui font le lien entre marques et associations. En reçevant une commission d’environ 10 % sur les avantages fiscaux, ils gèrent tout : stockage, transport, paperasse.
Leur promesse ? « Vos invendus ont de la valeur ! ». Une chaîne bien huilée où chacun y trouve son compte sauf peut-être les associations.
Kiabi et la stratégie des « petits magasins«
Chez Kiabi, c’est encore plus subtil. L’enseigne aurait eu 5,5 millions de pièces vendues en 2023. Pour écouler ce stock, elle a mis en place des magasins solidaires dans des quartiers défavorisés. Emplois en insertion, locaux prêts par les communes, le tout vendu comme une action sociale.
Mais la réalité, c’est que la marque revend ses invendus, tout en bénéficiant de locaux financés en partie par l’argent public. Et pendant ce temps-là, la famille Mulliez, propriétaire de l’enseigne, se distribue 45 millions d’euros de dividendes.
Des tonnes de vêtements… et de problèmes
Les associations se retrouvent parfois débordées. Accepter des dons de vêtements neufs semble plus simple que gérer des fripes à trier, laver, réparer… Mais quand les volumes explosent, difficile de suivre.
En conséquence, une partie finit par une expédition en Afrique et l’autre incinérée en France, souvent aux frais des communes. Une ironie mordante quand on pense que la loi était censée réduire le gaspillage, pas le déplacer.
Une loi à double tranchant
Au lieu d’encourager la sobriété, ce système incite à produire toujours plus. Entre 2018 et 2023, Kiabi a augmenté ses revenus de 85 %. Et plus largement, l’industrie textile met 100 vêtements par seconde sur le marché français. Une croissance folle, en contradiction totale avec les ambitions d’économie circulaire .
En résumé, cette loi est bien intentionnée mais récupérée par ceux qui savent en tirer profit. Et une pensée unique pour les associations qui sont les dernières mailles de ce tricot fiscal trop large.